La Résistance armée

"Le département de l'Ain est le théâtre d'engagements continuels. Les forces de l'Intérieur bien commandées et organisées, dominent la situation. Elles le prouvent, le 11 novembre 1943 en occupant Oyonnax pendant toute cette journée de glorieux anniversaire. Là, le Colonel Romans-Petit les passe en revue devant le monument aux morts et les fait défiler à travers toute la ville au milieu de l'émotion populaire. Pour réduire les maquis de l'Ain, les Allemands engagent, au début de 1944, d'importantes opérations qui leur coûtent plusieurs centaines de morts. En avril, nouvel effort qu'ils doivent payer encore plus cher. En juin, ce sont les nôtres qui prennent partout l'offensive, faisant 400 prisonniers…"

Général de Gaulle, extrait de Mémoires de Guerre, éditions Plon, Paris, 1954.

 

L'Armée Secrète dans l'Ain

A la fin de l'année 1942, l'Armée Secrète de l’Ain se structure en 9 secteurs : BOURG-EN-BRESSE ; AMBERIEU-EN-BUGEY ; BELLEY ; BELLEGARDE-SUR-VALSERINE ; NANTUA ;  OYONNAX ; MONTREVEL ; CHATILLON-SUR-CHALARONNE ; TREVOUX. Le commandement en revient à Bob Fornier puis à Romans-Petit qui cumule cette responsabilité avec celle de chef des Maquis.

Répartition des différents secteurs et responsables de l'Armée Secrète dans l'Ain.
Catalogue  "L’engagement résistant dans l’Ain", Conservation départementale des musées de l’Ain, 2012.
Les secteurs commencent par le code C pour "Cristal" suivi d'un numéro. C1 : Victor Ecquoy dit "Bernard" ; C2 : Gaston Brucher ; C3 : Maurice Morrier dit "Plutarque" ; C4 : Marius Marinet dit "Michaille" puis Edmond Fenestraz dit "Capitaine" ; C5 : Emile Mercier dit "René" puis Maurice Stess dit "René II" ; C: 6 : M. Boudet dit "Curty" ; C7 : Jean Favier et Paul Billaudy dit "Jean Maurice" ; C8 : Edouard Bourret dit "Brun" puis Jean Decomble dit "Benoît".

A partir d’août 1943, avec la nomination du Capitaine Henri Petit (alias Romans-Petit) à la tête des Maquis de l’Ain, la dimension militaire de la Résistance s’affirme dans ses actions. Le département est alors réorganisé en trois groupements :

♦ Le Groupement Nord, sous le commandement de Noël Perrotot (alias Montréal) pour la région de Nantua - Bellegarde - Oyonnax

♦ Le Groupement Sud, sous le commandement du Lieutenant Henri Girousse, St-Cyrien (alias Chabot), pour la région du Bugey -Valromey

♦ Le Groupement Ouest, sous le commandement d'Elie Deschamps (alias Ravignan) pour la  région de la Bresse - Dombes

La Résistance dans l'Ain sera active et multiforme dans sa lutte contre l'occupant.

 

La structuration des réseaux de résistance

Henri Romans-Petit.
Coll. Thérèse Morrier.

Capitaine de réserve dans l'aviation en 1939, Henri Petit refuse la défaite. Fin 1941, il intégre le mouvement espoir fondé par Jean Nocher à Saint-Etienne (Loire). Se faisant appelé "Tor", il rejoint fin 1942 Marcel Démia, maraîcher à Ambérieu-en-Bugey, avec qui il entretient des contacts.

Marcel Démia et son oncle Marius Chavant, cafetier et adjoint au maire de Montgriffon, aident Henri Petit à placer des réfractaires de la Loire dans des fermes inoccupées autour d’Aranc, Nivollet et Corlier. Progressivement, le réseau se structure et se développe, surtout à partir de janvier 1943, date de la création du camp de Gorges à Montgriffon.

Ainsi introduit auprès de résistants locaux, Henri Petit parvient à prendre contact avec les responsables des Mouvements Unis de la Résistance  fédérés par Jean Moulin et les responsables de l’Armée Secrète dirigée par Delestraint. Durant l'été 1943, il fait preuve d'une certaine volonté d'indépendance qui provoque quelques tensions avec les M.U.R. Romans Petit cumule alors la direction du Maquis et celle de  l'Armée Secrète dans l'Ain, suite à l'arrestation du Bob Fornier.

 

Les premiers camps de réfractaires au S.T.O.

Drapeau du maquis.
Coll. Musées départementaux de l'Ain.

En février 1943, la loi sur le Service du Travail Obligatoire incite de nombreux jeunes réfractaires à rejoindre la clandestinité. Ils sont regroupés en camps sur les plateaux, dans les forêts et les fermes isolées du Bugey, d'abord organisés par Bob Fornier, nommé par le général Delestraint  fin 1942.

Début 1943, d’autres  installations s’organisent dans des fermes, aux camps du Gros Turc (plateau du Retord) et de Chougeat (Matafelon-Granges) notamment. Le camp de Gorges à Montgriffon, où Henri Petit à regroupé une vingtaine de jeunes réfractaires, devient une véritable école de maquisards. L’instruction militaire est confiée à Pierre Marcault, Charles Faivre et les frères Marius et Julien Roche rejoignent le camp en juin 1943.

 

Site du camp des Gorges à Montgriffon.
Cl. J. Alvès. Coll. Musées départementaux de l'Ain.
Stèle commémorative de la ferme des Gorges à Montgriffon. Cl. J. Alvès. Coll. Musées départementaux de l'Ain.
 

Le 14 juillet, un rassemblement a lieu à la ferme des Termant sur le plateau d’Hauteville pour célébrer la fête nationale. En août, Henri Petit est confirmé dans ses fonctions par les responsables régionaux de l’Armée Secrète, notamment Albert Chambonnet alias "Didier".

La guérilla exclut une concentration d’hommes trop importants sur un même point, facilement repérables, difficile à encadrer et à contrôler. C’est pourquoi le capitaine Romans décide qu’un camp ne doit pas dépasser 60 hommes. Il est nécessaire de trouver de nouvelles fermes capables d’accueillir d’autres hommes à héberger clandestinement.

C’est ainsi qu’à la fin de l’année 1943, un réseau de camps se monte dans les montagnes du Bugey et du Valromey, dont les camps de Chougeat, de Granges, des Combettes, de Cize, du Pré-Carré, Morez, Verduraz, le camp Michel, du Mont, du Gros Turc, du Fort, du Mollard, de l’Avocat, du Bassan, Macconod, les Bergonnes, Deschapoux, de la Seche, de Faysses (Fez), de la Montagne, des Gorges, du Rupt, Marchat et la grotte de la Fouge.

Levée des couleurs au camp de Granges en 1943 (Matafelon-Granges).
Coll. Musées départementaux de l'Ain.

Durant l’été 1943, l’opinion publique est de plus en plus défavorable à l’égard du S.T.O. Un rapport au Préfet de L’Ain constate que "les réfractaires bénéficient plus que jamais de la complicité de la population". En septembre, l’organisation d'un coup de main du maquis contre le dépôt de l'Intendance de Vichy à Bourg-en-Bresse et celui des Chantiers de Jeunesse d'Artemare permettent aux maquisards de se nourrir, s’équiper et vêtir les premiers combattants rassemblés pour le défilé d'Oyonnax.

 

Le coup de force du 11 novembre 1943

Le 11 novembre 1943 dans Oyonnax, Romans-Petit, précédé du drapeau et de sa garde, fait défiler les compagnies d’environ 200  maquisards et  dépose une gerbe en forme de Croix de Lorraine au monument aux morts d'Oyonnax avec l'inscription "Les vainqueurs de demain à ceux de 14-18". Les photos de ce défilé, publiées dans le journal clandestin Bir-Hakeim et reproduites par les Alliés, les décidèrent à fournir l'armement nécessaire aux maquis de l’Ain et du Haut-Jura. Parallèlement, à Nantua, un groupe de résistants rend un semblable hommage en déposant une gerbe au Monument aux Morts et une grenade sculptée dans du bois.

 

 

 

Une Mission Interalliée est parachutée dans l'Ain dès septembre 1943 auprès des maquis de l'Ain et de la Haute-Savoie. L'Anglais Heslop, l’Américain Paul Johnson et le Français Cantinier-Jean Rosenthal doivent informer les Alliés de la mobilisation des F.F.I.

Journal "Le Franc-Tireur" du 1er décembre 1943 relatant le défilé du 11 novembre.
Archives départementales de l'Ain.

 

 

Les maquisards dans les rues d'Oyonnax.
Coll. Musées départementaux de l'Ain.
Carte-souvenir avec flamme postale commémorant le défilé d'Oyonnax, 1983. Coll. Musées départementaux de l'Ain.
 
Coll. Musées départementaux de l'Ain.

 

 

 

 

 

Rue et monument aux morts d'Oyonnax aujourd'hui.
Cl. J. Alvès, Musées départementaux de l'Ain.

Une force armée organisée et tenace

Les maquisards s’illustrent par des actions marquantes en se défiant l'occupant comme une force militaire organisée, en maîtrisant les voies de communication, en résistant aux trois vagues d’attaques allemandes de 1944.

Les résistants de la vallée de la Saône et de Pont-de-Vaux se spécialisent dans les atterrissages de nuit, des personnalités de la Résistance allant ou venant de Londres ou d'Alger. Le futur Maréchal de Lattre de Tassigny, le couple Aubrac séjournèrent à Pont-de-Vaux ou Manziat, hébergés dans des familles patriotes avant de s’envoler à Londres.

 

L'Hôtel du Raisin à Pont-de-Vaux aujourdhui.
Plaque commémorative sur l'Hôtel du Raisin à Pont-de-Vaux.
 
Cérémonie à la stèle du dépôt SNCF d'Ambérieu-en-Bugey (2009).

A partir du débarquement allié en Normandie et la mise en application du Plan Vert, les actions des Maquis visent à maîtriser les voies de communication. Le 6 juin 1944, les maquis de l'Ain aidés de la compagnie des cadets de l'Ecole militaire d'Autun et des Groupes Francs sabotent 52 locomotives du dépôt de la gare d'Ambérieu en Bugey et 8 locomotives au dépôt de la gare de Bourg-en-Bresse.

 

Ces actions efficaces éviteront aux villes à grosse activité ferroviaire d’être bombardées par les Alliés pour stopper l’utilisation du rail par l’armée allemande pour le transport des troupes et du ravitaillement entre l’Italie et l’Allemagne. Les F.T.P.F., sous la direction de Cribeillet alias "Grillon", regroupés dans le Revermont, multiplient les sabotages sur la ligne de voie ferrée Bourg - Strasbourg.

Les différentes compagnies des Maquis de l’Ain et du Haut-Jura vont affronter les trois vagues d’attaques allemandes soutenues par les G.M.R. français et la milice en février 1944 sur le Valromey et le plateau d'Hauteville, en avril 1944 sur Oyonnax et le Jura, et en juillet 1944 sur le Haut-Bugey et Oyonnax, et à la mi-juin en Dombes et en Bresse .

 

La Libération de l'Ain

Après le débarquement allié en Provence le 15 août 1944, les compagnies des maquis du groupement Sud participent aux combats de la Libération aux côtés de la 45e Division d'Infanterie Américaine lors des batailles de Meximieux et du Camp de la Valbonne, du pont de Priay, les 31 Août 1944 et le 1er septembre 1944, puis de Pont-d’Ain et de Montrevel-en-Bresse le 3 septembre 1944.

 

Libération de Bourg-en-Bresse le 4 septembre 1944. Drapeaux accrochés sur les grilles de la Préfecture. Archives départementales de l'Ain.

Le département de l’Ain est totalement libéré le 5 septembre 1944, les maquisards vont être démobilisés après avoir exercé des services de police dans la Prévôté. Nombres d’entre eux vont s’engager dans l’armée régulière pour la durée de la guerre au sein des 6e et 24e bataillons de chasseurs alpins, du 93e Régiment d’artillerie de montagne et du 9e Régiment d’infanterie alpine engagés sur le Front des Alpes dans la Haute-Maurienne ou dans les Ardennes, puis pendant la campagne d’Allemagne jusqu’à la défaite du Reich nazi le 8 mai 1945.

 

Dans l'histoire de la Résistance, le département de l'Ain tient une place essentielle, par l'importance de ses maquis, l'efficacité de son organisation, la hardiesse de ses coups de main mais aussi par la longue liste de ses déportés et de ses martyrs. Le département a payé chèrement le prix de sa liberté.

► En savoir plus : http://www.maquisdelain.org

 

Source sonore

Le Chant des Partisans, hymne de la Résistance

 L’idée de la mélodie du Chant des Partisans est de la chanteuse et compositrice Anna Marly qui le reprend en 1943 à Londres, alors qu’il existait déjà au moment du soulèvement bolchévique en Russie. Ainsi, elle compose la musique et les paroles originales dans sa langue maternelle, le russe. Puis l’écrivain Joseph Kessel et son neveu, Maurice Druon, tous deux auteurs ayant quitté la France pour rejoindre l’Angleterre et les Forces Françaises Libres du général de Gaulle, et futurs académiciens, récrivent les paroles.


Devenu l’indicatif de l’émission de la radio britannique BBC, puis signe de reconnaissance dans les maquis, Le Chant des partisans devient un succès mondial. On choisit alors de siffler ce chant, d'abord pour ne pas être repéré en la chantant mais aussi car la mélodie sifflée reste audible malgré le brouillage de la BBC par les Allemands. C'est la chanteuse Germaine Sablon qui l'amène à sa forme finale et en fait un succès. Les paroles furent publiées dans "Les cahiers de la Libération" du 24 septembre 1943. Il est relancé par André Malraux lors de la cérémonie d’entrée des cendres Jean Moulin au Panthéon en 1964. Le manuscrit original du Chant des partisans, propriété de l'État, est conservé au Musée de la Légion d’Honneur et classé monument historique depuis 2006.