Les camps de la mort

Les déportés de l'Ain dans les camps

L'enquête réalisée par l'Association "Mémoire de la Déportation dans l'Ain" a permis d'établir que les déportés de l'Ain ont majoritairement été envoyés dans les camps de Buchenwald et Mauthausen. Certains ont connu plusieurs camps et ont été transférés vers différents commandos et camps lors de leur détention.

Vous pouvez accéder aux listes nominatives dans la rubrique "Recherche un déporté" - choisir "Par camp".

Nombre de déportés de l'Ain détenus dans les camps :

           - Auschwitz : 127 personnes

           - Buchenwald : 439 personnes

           - Dachau : 183 personnes

           - Dora : 204 personnes

           - Flossenburg : 74 personnes

           - Mauthausen : 380 personnes

           - Natzweiler-Struthof : 28 personnes

           - Neuengamme : 231 personnes

           - Ravensbrück : 89 personnes

 

Les camps de concentration et d'extermination

L’expression  « camp de concentration » est employée pour la première fois par les Britanniques pendant la guerre des Boers de 1899 à 1902, au cours de laquelle ils utilisent l’invention du fil de fer barbelé pour enfermer 200 000 femmes, enfants et vieillards Boers. 30 000 moururent.

Le système concentrationnaire nazi a organisé deux sortes de camps dirigés par la SS :  

- les camps de concentration, créés pour exterminer les opposants au régime par le travail forcé et la malnutrition, la famine organisée, les mauvais traitements  

- les camps d’extermination, créés pour exterminer industriellement par gazage des déportés arrêtés sur critère racial

 

Dès 1933, le troisième Reich met en place des camps de concentration pour punir, éloigner les opposants au régime nazi et maltraiter des catégories de personnes considérées comme nuisibles, inutiles et rejetées par la société nazie pour des motifs politiques ou religieux. Ce sont les communistes, sociaux démocrates, syndicalistes, religieux catholiques militants, protestants récalcitrants, témoins de Jéhovah, Francs-maçons, tout comme  les asociaux, homosexuels, criminels de droit commun utilisés comme kapos dans les camps. Ils vont séjourner dans les camps de Dachau, premier camp de concentration créé le 22 mars 1933 et celui d’Oranienburg le 12 juillet 1936.

 

En 1941, après l’attaque allemande contre l’URSS et la décision de la solution finale prise le 20 janvier 1942 lors de la conférence de Wannsee, les nazis transforment certains camps de concentration en camps d’extermination. C’est le cas du camp d’Auschwitz-Birkenau. Les camps de la Shoah (Treblinka, Sobibor, Chelmno, Maidanek, Belzec) sont construits uniquement pour exterminer industriellement de façon méthodique et systématique dès leur arrivée les Juifs et Tsiganes pris dans les pays de l’Europe sous domination nazie.

Carte des camps et des kommandos : http://www.fmd.asso.fr/updir/20/04_cartes.pdf

 

Les camps de concentration voisinent les grands centres industriels de l’Allemagne et l’Autriche  nazies, Volkswagen, Opel, Bosch, Henkel, Siemens, BMW etc... qui ont puisé dans les camps la main-d’œuvre forcée des déportés jusqu’à leur épuisement.

Un décret allemand de décembre 1941 - Nacht und Nebel "NN" (Nuit et Brouillard) - crée une catégorie de camps parmi lesquels figure le seul camp en territoire annexé, Struthof-Natzweiler, situé aujourdhui en France près de Strasbourg. Les nazis y ont organisé  la disparition de nombreux résistants de toute l’Europe sans que les familles aient connaissance de leur sort.

 

► En savoir plus :

http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/page/affichecitoyennete.php?idLang=fr&idCitoyen=16

http://www.struthof.fr/

 

Les prisonniers de guerre évadés et repris ou coupables d’activités résistantes dans les « Stalags » ont été internés pour des périodes plus ou moins longues au camp disciplinaire de Rawa Ruska en Pologne dès avril 1942. Les conditions de vie y sont comparables à celles des camps de concentration. Les survivants ont obtenu des pensions militaires d’invalidité identiques à celle des déportés.

 

► En savoir plus : http://rawa-ruska.net/accueil.html

 

Des  résistants et maquisards de l’Ain ont été arrêtés dans la zone d’occupation italienne, du 11 novembre 1942 au 8 septembre 1943. Ce fut le cas pour des résistants de la région de Belley, des engagés  dans les Alpes ou auprès des partisans italiens, des évadés de camps et repris en Italie fasciste. Ils ont été transférés et internés dans des  camps comme ceux de Cuneo, Fossano, Imperia, Camoes. 

 

► En savoir plus : www.maquisdelain.org

L'organisation des camps

" Du chef suprême des camps de concentration (Himmler également chef des SS) dépendait une administration centrale située au camp d’Orianenbourg-Sachsenhausen près de Berlin. Chaque camp principal était dirigé par un commandant (le Lagerführer) assisté d’un personnel important SS responsables des détenus, Kommandantur, section politique, service économique, infirmerie (Revier), prison etc…Des détenus choisis par les SS  pour l’administration interne avec, pour chaque  « Block », un responsable : le Blockaltester ou doyen qui disposait d’un secrétariat avec les fichiers et les listes d’appel et d’un personnel de corvée  : les Stubedienst.

Frantz Ziereis, commandant du camp de Mauthausen
Verso
 

Lorsqu’ils ne restaient pas au camp principal, les déportés étaient répartis dans les Kommandos de travail situés à plusieurs dizaines ou centaines de kilomètres. Là, ils devaient obéir aux Kapos, intermédiaires entre les SS et eux, et aux civils allemands, les Vorarbeiter, qui n’intervenaient que sur le plan technique.

Place d'appel de Buchenwald, coll. privée.

Mais cette organisation bien policée cachait un véritable enfer savamment entretenu par le pouvoir nazi : les SS, déjà formés pour déshumaniser les déportés, les mépriser, et les exterminer, se livraient en outre à des trafics inimaginables : récupération des habits et des moindres objets ou bijoux des nouveaux arrivants dépouillés de tout à leur entrée dans le camp, prélèvement de nourriture sur la part déjà bien maigre des détenus, récupération des cheveux, des dents en or arrachées aux mâchoires des cadavres, trafic d’esclaves.

Mais pire encore, ils savaient exciter la haine et la suspicion entre les détenus eux-mêmes en dressant les nationalités les unes contre les autres, et surtout en confiant les responsabilités aux détenus de droit commun : les "verts" qui remplissaient souvent les fonctions de kapo. Ils déshumanisaient les bourreaux à leur solde pour déshumaniser leurs victimes.

Les SS avaient droit de vie et de mort sur les déportés qui n’étaient pour eux que des objets (des Stücke ) et pour que l’ordre régnât malgré tout dans le camp, ils entretenaient en permanence un climat de terreur par les tortures et les exécutions." 

Paul Cattin, extrait de l'ouvrage "1939-1945. Des camps à la liberté", édit. Amis des Archives de l'Ain, Bourg-en-Bresse , 1985.

 

La tenue du déporté
A/ béret

B/ n° matricule cousu sur la veste et le pantalon

C/ plaque de poignet avec le n° matricule

D/ triangle distinctif de nationalité et, selon la couleur, motif d’arrestation (politique, droit commun...)

E et F/ veste et pantalon rayé

G/ claquettes" en toile, sans contrefort, semelles de bois
 

La survie dans les camps  

La consultation des témoignages des déportés de l’Ain, reproduits sur ce site, permet de décrire les conditions horribles de survie, les appels interminables dans le froid glacial ou la chaleur étouffante, la faim obsessionnelle, le travail forcé et les corvées, le travail hallucinant pour brûler ou enterrer les milliers de cadavres, les expériences médicales, les punitions. Mais aussi, au travers de leurs  récits, ils témoignent des gestes de solidarité qui leur ont permis de survivre, des gestes de résistance soit par des sabotages du travail soit en s’organisant pour préparer leur libération.

L’extermination des Juifs et des Tsiganes

" Parmi les documents recueillis en 1985, aucun ne parle de l’extermination des Juifs dans le camp d’Auschwitz. La raison en est évidemment que bien peu de témoins ont pu survivre à ce drame qui fut peut-être l’un des plus horribles que l’humanité ait connu. Dans ce sinistre camp, les nazis exécutèrent et incinérèrent jusqu’à 22 000 Juifs par jour. On estime que le nombre total des victimes doit être de 3 à 4 millions d’hommes femmes et enfants parmi lesquels plus de 2 millions de Polonais et 100 000 Français dont les enfants d’Izieu ."

Paul Cattin, extrait de l'ouvrage "1939-1945. Des camps à la liberté", édit. Amis des Archives de l'Ain, Bourg-en-Bresse , 1985.

 

? En savoir plus : Mémorial des enfants juifs exterminés à Izieu  www.memorializieu.eu

 

Dans les autres camps d’extermination se succédent sans interruption des convois amenant des Juifs de toute l’Europe

Une centaine déportés juifs de l’Ain sont morts dans les camps d’extermination d’Auschwitz, Maidanek, Kaunas. 20 déportés de l’Ain du convoi 1.206 parti de Compiègne le 27 avril 1944 ont été acheminés au camp d’Auschwitz KL le 30 avril 1944 avant d’être envoyés au camp de Buchenwald.

 

L’évacuation des camps 

" Avril 1945, les armées alliées victorieuses pénètrent en Allemagne par l’est et l’ouest ; mais les nazis ne désarment pas et Himmler entend poursuivre son œuvre d’extermination jusqu’au bout : il n’est pas question d’abandonner les déportés aux alliés. Les camps sont donc évacués un à un vers d’autres régions plus éloignées du front.

A l’est, les camps situés en Pologne sont évacués dès l’été 1944 et à l’Ouest, le Struthof est abandonné le 31 août. Puis ce fut le cas d’Auschwitz à être évacué le 18 janvier 1945 par une température de -20° : 62 000 détenus prirent la route vers tous les autres camps.

L’évacuation des camps fut sans doute l’un des épisodes les plus meurtriers de l’histoire de la déportation et laissa un souvenir indélébile dans la mémoire des survivants. Des milliers d’hommes et de femmes partaient par tous les temps, soit à pied soit entassés dans ces « trains fous » pour une destination inconnue et erraient pendant des jours à la recherche d’un autre camp. Dans un pays pilonné par l’aviation alliée, il devenait impossible de trouver un pont ou une voie ferrée intacte qui permît d’atteindre directement un but. C’était alors l’épuisement, la famine et la mort. Le 24 avril 1945 Himmler déclarait encore « Aucun détenu ne doit tomber vivant entre les mains de l’ennemi ». De ce fait, tout déporté qui tombait d’épuisement sur la route était immédiatement achevé d’une balle dans la nuque. "

 

La libération des camps 

" Lorsque les troupes alliées rencontrèrent les hordes de déportés ou pénétrèrent dans les camps que les SS avaient abandonnés, elles furent saisies d’horreur et se trouvèrent brutalement confrontées à une multitude de problèmes presqu’insolubles : il fallait en effet prendre en charge des dizaines de milliers d’hommes et de femmes exténués, les soigner, les nourrir, lutter contre le typhus et les épidémies, rapatrier les vivants impatients de revoir leur patrie et enterrer des milliers de morts. Cette tâche écrasante qu’il fallait mener de front avec les opérations militaires ne put être accomplie aussi rapidement et aussi efficacement que l’auraient souhaité les survivants. "

 

Le retour des déportés  

Des déportés de l’Ain rescapés en convalescence
à Divonne-les-Bains au printemps 1945.
Coll. privée.

"Il est évident que celui qui rentrait éprouvait une immense joie en revoyant son pays, sa famille et ses amis. Mais rarement, cette joie était sans mélange. D’abord sur tous, planait le souvenir de ceux qui,  nombreux, ne reviendraient pas : parents et amis tués au maquis ou exécutés dans les prisons françaises ou dans les camps nazis. Mais il fallait aussi retrouver la santé après des mois et même des années de sous-nutrition, de travaux forcés  et de sévices. Il y avait aussi la recherche d’un emploi dans une société qui s’était remise au travail sans eux, plusieurs mois avant leur retour. Enfin il fallait, pour certains, rebâtir un foyer et combler le vide laissé par les victimes de la guerre ou par un mari ou une épouse infidèle.

Pour beaucoup, il y avait aussi la crainte d’avoir souffert en vain, surtout quand ils voyaient les responsables de leurs malheurs tenir le haut du pavé...

La diversité des témoignages montrent bien l’infinie variété des sentiments qui pouvaient animer ceux qui, après de longues et terribles souffrances rentraient au pays. "

Paul Cattin, extrait de l'ouvrage "1939-1945. Des camps à la liberté", édit. Amis des Archives de l'Ain, Bourg-en-Bresse , 1985.

 

Le retour difficile des déportés dans l’Ain s’est échelonné  sur plusieurs mois. Entre la libération des camps et leur retour dans leurs foyers, nombre de déportés sont morts sans connaître la joie de retrouver leur pays et leur famille.

 

Source sonore

"Nuit et brouillard" de Jean Ferrat

Ecrite, composée et interprétée par Jean Ferrat en 1963, cette chanson honore la mémoire des  milliers de déportés, et plus intimement, celle du père du chanteur, juif émigré de Russie, interné à Drancy, déporté en 1942 et mort à Auschwitz. D'abord censurée à la radio et  la télévision, "Nuit et brouillard" fut diffusée dans l'émission Discorama de Denise Glaser. Primée par l'académie Charles-Cros, elle reçut un vif succès auprès du public et reste l'un des plus vibrants hommages aux victimes de la déportation.

 

Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent

Ils se croyaient des hommes, n´étaient plus que des nombres
Depuis longtemps leurs dés avaient été jetés
Dès que la main retombe il ne reste qu´une ombre
Ils ne devaient jamais plus revoir un été

La fuite monotone et sans hâte du temps
Survivre encore un jour, une heure, obstinément
Combien de tours de roues, d´arrêts et de départs
Qui n´en finissent pas de distiller l´espoir

Ils s´appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel
Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vichnou
D´autres ne priaient pas, mais qu´importe le ciel
Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux

Ils n´arrivaient pas tous à la fin du voyage
Ceux qui sont revenus peuvent-ils être heureux
Ils essaient d´oublier, étonnés qu´à leur âge
Les veines de leurs bras soient devenues si bleues

Les Allemands guettaient du haut des miradors
La lune se taisait comme vous vous taisiez
En regardant au loin, en regardant dehors
Votre chair était tendre à leurs chiens policiers

On me dit à présent que ces mots n´ont plus cours
Qu´il vaut mieux ne chanter que des chansons d´amour
Que le sang sèche vite en entrant dans l´histoire
Et qu´il ne sert à rien de prendre une guitare

Mais qui donc est de taille à pouvoir m´arrêter?
L´ombre s´est faite humaine, aujourd´hui c´est l´été
Je twisterais les mots s´il fallait les twister
Pour qu´un jour les enfants sachent qui vous étiez

Vous étiez vingt et cent, vous étiez des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiriez la nuit de vos ongles battants
Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent