5 juin 1944 : rafle au lycée Lalande le dernier jour du Bac
Après l'arrestation de Pioda, et de Paul Morin, chef de sixaine à Lalande, la résistance lycéenne est décapitée. Mais des groupes de lycéens se recontruisent rapidement et s'organisent. Ils se rendent les jeudi après-midi chez un camarade pour se former au maniement des armes et explosifs. Les F.U.J multiplient les coups de main à Bourg-en-Bresse et aux alentours. Le 5 juin 1944, trois d'entre eux sont désignés par le colonel Romans-Petit pour attaquer le caissier de la Trésorerie générale au moment d'un transfert de fonds. La milice, informée, leur tend une embuscade. Deux membres des F.U.J. sont blessés et arrêtés, d'autres parviennent à s'échapper. En possession d'une liste très précise de lycéens soupçonnés d'appartenir à la Résistance, les miliciens font l'après-midi même une descente au lycée Lalande, durant la dernière épreuve du Baccalauréat.
En voici le récit par Jean Marinet :
"À 16 h 15, une horde de miliciens surexcités, vociférant et tirant des coups de feu envahit le lycée en hurlant les noms de la liste qu’ils possèdent. Ils rassemblent élèves et professeurs dans la cour d’honneur, et alignent avec brutalité onze “suspects” et quelques professeurs face au mur, sous la menace de deux fusils mitrailleurs. Le surveillant général Bourgeois […] est retrouvé dans sa chambre puis roué de coups à terre jusqu’à l’évanouissement. Fouille des salles, découverte malheureuse d’une carte d’état-major dans le casier de Figuet. L’opération est dirigée par le tristement célèbre Dagostini, commandant l’unité combattante mobile de la Milice […]. Finalement, une soixantaine de garçons et quelques professeurs sont embarqués dans des camions découverts, sous un violent orage, à destination de Saint-Amour où se trouve le P.C. de Dagostini. C'est là que le tri va se faire."
10 arrestations sont maintenues accompagnées d’interrogatoires musclés : coups de crosse, coups de pieds, coups de poing, torsions des bras, mise à nu pour certains et flagellations avec le ceinturon (jusqu’à perte de connaissance). Les 10 élèves qui devaient être fusillés échappent finalement à la cour martiale, mais sont déportés en Allemagne dans un “camp de représailles”, à Heydebreck en Haute-Silésie.
Au total, 31 élèves du lycée Lalande sont morts pour la France, déportés, torturés, fusillés ou tombés au combat. Le lycée Lalande est le seul établissement civil de France titulaire de la Médaille de la Résistance.
Le lendemain, 6 juin, la ville de Bourg-en-Bresse est bouclée et la milice procède à de multiples arrestations.
Représailles contre les civils
- à Bourg-en-Bresse, au début de juillet, une vaste opération de répression se met en place à Bourg-en-Bresse, considérée comme le point de départ de l'opération Treffenfeld. Ce type de rafle massive sur les arrières, couplée à une opération militaire d'envergure, est un mode opératoire assez courant. Le 9 juillet, des camions transportant des soldats allemands arrivent de Lyon et stationnent avenue Alsace Lorraine. Le 10, la Sipo S.D. de la Gestapo de Lyon sous les ordres de Klaus Barbie, aidée par la Milice et des hommes de troupe, arrêtent dès l'aube 1 280 hommes de 17 à 45 ans dans les rues de Bourg-en-Bresse. Il n'a pas d'autres objectif que d'organiser la déportation de tous les résistants présumés. Trois points de rassemblement sont organisés : l'hôpital, le cours de Verdun et la cour de la Préfecture. Après vérification des papiers d'identité, les raflés sont répartis en deux groupes : suspects et non-suspects. Ces derniers ont libérés cours de Verdun vers 15h, à la faveur d'un violent orage. Pendant ce temps, deux hommes sont froidement abattus par Barbie dans la cour de la Préfecture.
Simon, responsable de la Milice, qui n'apprécie pas les interventions allemandes dans les affaires de police intérieure, alerte le Préfet et intervient auprès d'un général allemand. Le 13 juillet, l'opération de rassemblement et de transit des raflés est stoppée. Barbie est dessaisi, mais continuera de traquer des hommes dans Bourg et ses environs. Il fait exécuter 25 hommes, parmi lesquels 12 juifs dont les cadavres sont retrouvés en forêt de Seillon. Le Verbindungsstab et la Milice étudient au cas par cas la situation des raflés. Le 16 juillet, 30 personnes restent en état de détention. Au total, le bilan de l'opération sera de 25 assassinats et 9 personnes déportées.
Parmi les nombreuses excations commises contre des civils à travers le département (incenides, pillages, viols, exécutions sommaires, tortures, déportations...) , voici quelques autres exemples détaillés :
- à Oyonnax, les 12 et 13 juillet 1944, la ville est bombardée et mitraillée par des avions allemands, provoquant 1 mort et d’importants dégâts. Le 14 juillet, les troupes de soldats occupent les rues. Les locaux du journal l’Union sont incendiés suite à la découverte de tracts clandestins. Les voitures, vélos et postes de radio TSF sont réquisitionnés place de la Gare et mis hors d’état de fonctionner. Le 19, tous les hommes âgés de 17 à 35 ans sont réunis Place des Ecoles (actuelle Place des Déportés) sous peine de représailles. Environ 120 personnes sont emmenées à Bourg-en-Bresse et retenus dans une caserne. Après les interrogatoires et le tri, 62 arrestations sont maintenues. Le 22 juillet, ils quittent l’Ain pour Lyon où ils sont regroupés avec d’autres prisonniers dans un convoi pour Compiègne. Reparti le 27 juillet, ce convoi arrive au KL de Neuengamme le 1er août.
Témoignage de Henri Rosset, rescapé :
«Au cours de la nuit, le convoi s’est arrêté et nous avons entendu des tirs en rafale (…) nous apprenons qu’une tentative d’évasion a eut lieu et que les auteurs ont été fusillés. (…) C’est en courant et sous les coups et les hurlements que nous arrivons en slip à Neuengamme. Le chef SS pour son discours d’accueil nous dit en montrant le four crématoire : Ici vous entrez par la porte et vous ressortez par la cheminée. (…). Tous les jours nous perdions nos forces et tous les jours nous avons vu mourir des camarades, soit battus à mort, soit trop faibles, au bout du rouleau.»
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Plaque à la mémoire des
déportés de Cerdon
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- à Cerdon, des tranchées anti-char avaient été creusées sur les routes.
Les Allemands obligèrent des femmes de Leymiat à les remblayer pour poursuivre leur attaque.
Le 13 juillet, la population est terrorisée et plus de 80 maisons sont pillées et 47 incendiées. Les habitants ont fui, sauf quelques femmes et enfants et le maire Emile Rougemont qui tenait à garder sa mairie. Il sera exécuté dans la cour de l’école avec Charles Bolliet et Francisque Corcellut.
Le 21 juillet, le groupe de résistants Verduraz, basé à Oncieu, réussit une attaque contre un détachement allemand qui subit de lourdes pertes. Ces évènements ont participé du choix de Cerdon pour implanter le monument des Maquis de l'Ain dans le site du Val d’Enfer.
- à Nantua, des civils sont regroupés le 15 juillet dans l'école de Nantua et violemment frappés durant leurs interrogatoires. Ils sont emmenés vers Bourg-en-Bresse en convoi de camions militaires, dirigés vers la Caserne Brouet. Georges Ducret est abattu en pleine rue. Le 12 juillet, les F.F.I tentent de déplacer des blessés de l'Hôpital de Nantua, mais les Allemands les rattrapent. Ce jour-là, 16 personnes sont tuées par les allemands, Le 14 juillet, 7 personnes sont arrêtées et déportées. Le 19 juillet, 9 blessés sélectionnés sont emmenés, parmi lesquels les 3 otages de Saint-Rambert. Tous seront fusillés quelques heures plus tard dans une carrière de Montréal.
- à La Cluse, Izernore et Bohas, les arrestations du 13 juillet s'accompagnent les jours suivants de très nombreux viols, la plus jeune victime étant âgée de 13 ans. Certaines femmes ont été violées plus de 20 fois. Les faits ont eut lieu en présence des maris et des pères tenus en respect par des hommes armés. Le village et le château de Bohas sont incendiés.
- à Dortan, dès le 12 juillet, le village est pillé par les Allemands, 7 personnes (6hommes dont le curé du village et 1 femme) sont fusillés. Le lendemain, 3 personnes d’Oyonnax (dont l'une avait 15 ans) sont abattues. Le 13 juillet, des femmes du villages sont violées par les soldats et les exécutions continuent : au total, 24 personnes sont exécutés par les allemands. Au cours des journées des 20 et 21 juillet, 15 hommes sont arrêtés et torturés au château alors quartier général des troupes allemandes, établies dans le village depuis le 12 juillet. Le 22, les Allemands rassemblent la population au château pendant que le village continue à brûler à la suite de l'incendie déclenché le 21 juillet. Il sera entièrement détruit.
- dans le Revermont, le 18 juillet 1944, une colonne de 200 Cosaques commandée par des officiers allemands commence une opération de ratissage des villages, à la recherche de ceux qu'ils nomment "terroristes". Les résistants perturbent en effet la circulation des troupes d'occupation sur l'axe Bourg-Strasbourg par la route et sabotent régulièrement la voie ferrée reliant Turin à Paris. Le poste de commandement est installé à Salavre. Les officiers de la Wehrmacht guident les Cosaques, que ce soit sur les routes entre Verjon, Roissiat, Chevignat (commune de Courmangoux, Pressiat, Cuisiat et en allant vers la Jura jusqu'à Poisoux. A chaque fois, la méthode est la même : la troupe investit le village, barre les voies d'accès, regroupe la population et fouille chaque maison. En début d'après-midi, la colonne fait demi-tour à Cuisiat et commence à incendier chaque village en revenant sur leurs pas, empêchant ceux qui n'ont pas fui (les femmes et les vieillards) de sauver leurs biens et leurs récoltes. Il n'y aura pas de victimes civiles mais un immense traumatisme pour cette population meurtrie par le "Grand Brûle". Le nombre de maisons incendiées montre l'ampleur du désastre : Cuisiat : 45 ; Pressiat : 82 ; Roissiat-Chevignat : 67 ; Verjon : 47 et Poisoux (Jura) : 31. Deux maquisard ont perdu la vie dans l'accrochage de Roissiat.
Opération Treffenfeld : les attaques militaires
Dans cette opération, les Allemands ont pour objectif de reprendre le contrôle de la zone libérée par les F.F.I. afin de garantir la sécurité des terrains d’aviation de Port et d’Izernore. Près de 35.000 soldats allemands sont mobilisés. Leur attaque est déclenchée dès le 11 juillet, avec la mise en action de cinq colonnes, accompagnées d'artillerie, d'engins blindés et d'aviation de bombardement et d'assaut. Les axes d’attaques sont les suivants :
- Neuville-sur-Ain, Cerdon, Maillat, La Cluse
- Champagne-en-Valromey, le Valromey, La Cluse
- Bellegarde, Nantua
- Orgelet, Thoirette, Izernore
- Saint-Claude, Dortan, Oyonnax
La défense du passage sur l’Ain est assurée par l'Ecole Militaire des Enfants de Troupe d'Autun et l'Armée Secrète de Neuville-sur-Ain et Poncin. Le Valromey est attaqué par plus 5.000 hommes. Le Col de la Lèbe est pris et le 12 au soir, les troupes ennemies sont à Nantua. La colonne attaquant sur l'axe Bellegarde - Nantua, n'avance que jusqu'à Saint-Germain-de-Joux, d'où elle est repoussée. La colonne venant d'Orgelet arrive à Thoirette dans la soirée du 11 et passe l'Ain le 12. La colonne allant de Saint-Claude à Dortan n’entre à Oyonnax que le 15.
Les pertes allemandes sont évaluées entre 1 000 ou 1 200 hommes hors de combat. Du côté des résistants, les pertes s’élèvent à 85 tués et 80 blessés.
Declaration de l'adjudant Joseph GARIN
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